Mieux que les masques et le dépistage, le gouvernement entend lutter contre la propagation du covid-19 par la réduction des délais de consultation des représentants du personnel!

Le patronat en rêvait, sans plus vraiment l’espérer, mais le gouvernement l’a fait !

Désormais, le temps qu’une direction d’entreprise se doit d’accorder à l’information et la consultation des représentants du personnel est très largement réduit, sinon anéanti.

En effet, voici qu’à quelques jours du déconfinement, un décret n°2020-508 est entré en vigueur le 3 mai 2020 pour adapter « temporairement les délais relatifs à la consultation et l’information du comité social et économique afin de faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 ».

Par adaptation, il faut entendre réduction des délais de consultation.

L’enjeu est majeur pour les représentants du personnel : ces délais permettent un temps d’échange, d’analyse, de réflexion, de propositions, de mobilisation et d’actions.

La contraction excessive de ce temps s’opère donc au détriment des prérogatives des représentants du personnel, et par là même, de la qualité du dialogue social, déjà malmené par des années de « réformes ».

Et ce alors que la nécessité d’associer les représentants du personnel dans les démarches visant à sécuriser la poursuite ou la reprise du travail pendant et après confinement a encore été rappelée ces dernières semaines par plusieurs décisions de justice rendues notamment contre des grandes entreprises (Amazon, La Poste, Renault).

Les esprits cyniques – ou lucides, c’est selon – verront dans cet énième décret spécial covid-19 la réponse du berger à la bergère ; le gouvernement réduisant le poids d’obligations pourtant fondamentales et rappelées régulièrement par les juges afin de permettre à ces grands groupes de « couvrir » leurs carences à brefs délais et à moindre frais.

Le décret porte donc sur les délais d’information et consultation du Comité social économique (ancien CE) et sur les délais édictés pour la mise en œuvre des expertises votées par ce même comité.

S’agissant de l’information et consultation du comité social et économique :

  • Le délai de « droit commun » pour une consultation sans expertise, passe de 1 mois à 8 jours;
  • Le délai de consultation avec expertise passe de 2 mois à 12 jours pour le comité central (CSEC) et 11 jours pour le comité d’établissement (ou CSE) ;
  • Le délai de consultation se déroulant à la fois au niveau du comité central et d’un ou plusieurs comités d’établissement, avec expertise(s) passe de 3 mois à 12 jours;
  • Le délai minimal de transmission des avis des comités d’établissement au comité central passe de 7 jours à 1 jour.

S’agissant des modalités d’expertise :

  • Le délai dont dispose l’expert pour demander à l’employeur toutes les informations complémentaires qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission passe de 3 jours à 24 heures à compter de sa désignation ;
  • Le délai dont dispose l’employeur pour répondre à cette demande passe de 5 jours à 24 heures;
  • Le délai dont dispose l’expert pour notifier à l’employeur le coût prévisionnel, l’étendue et la durée d’expertise passe de 10 jours à 48 heures à compter de sa désignation (ou, si une demande d’informations a été adressée, 24 heures à compter de la réponse de l’employeur) ;
  • Le délai dont dispose l’employeur pour saisir le juge pour chacun des cas de recours prévus à l’article L.2315-86 passe de 10 jours à 48 heures;
  • Le délai minimal entre la remise du rapport d’expertise et l’expiration des délais de consultation du comité passe de 15 jours à 24 heures;

A noter que :

  • Quelques consultations sont exclues du champ d’application du décret : en cas de projet de licenciement économique collectif (de plus de 10 salariés), accord dit de performance collective, et consultations récurrentes portant sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière de l’entreprise, et la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi ;
  • Seuls les délais qui commencent à courir entre le 3 mai et le 23 août 2020 sont impactés.

On peut douter de l’urgence dans cette période dite de « crise sanitaire sans précédent » de légiférer sur la question des délais de consultation du CSE et de réalisation de ses expertises… n’y avait-il pas d’autres priorités à gérer pour préserver la santé publique et économique ?

On ne peut en revanche plus douter que le dialogue social, pour l’exécutif, s’apparente au mieux à un frein, au pire à un obstacle à la bonne marche des entreprises.